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Mes citadelles imprenables

C’était écrit, l’édition de la BTR 2019 allait être une bataille rangée, une lutte pour rejoindre Ramatuelle en passant par ces bastions, ces citadelles de Besançon, Gruyères, l’Abbaye Sacra di San Michele, et enfin le Château-Queyras. Ces fortins ne nous laisseraient pas les approcher sans se défendre, sans nous laisser des marques. Mais je ne pensais pas que l’ennemi serait intérieur, que cette motivation, qui d’habitude, me fait toujours avancer, m’abandonnerait aussi vite. Pourtant tout a débuté dans les meilleures conditions, retrouver pas mal de personnes que je connais parfois que virtuellement, d’autres avec qui j’ai parcouru des kilomètres l’année dernière, des amis de longue date, Luc Royer, son équipe, Julien Boulanger, etc…

Les retrouvailles sont chaleureuses, tous les participants sont excités et pressés de rouler à l’assaut de ces monuments qui nous toisent de leurs hauts remparts. Depuis plusieurs semaines avec Ronan Merot, mon ami de cordée, nous les observons sur les cartes, nous les jaugeons, échafaudons des plans, cherchant la faille et c’est le moment d’en découdre. Le point de départ, au milieu de la citadelle de Montmédy nous donne déjà un aperçu de ce qui nous attend : derrière ces murs, nous sommes protégés des ennemis invisibles, à l’exception du vent froid et des nuages menaçants.

22 heures, c’est le moment pour Luc de nous donner les dernières recommandations et de lancer le départ. Dans la nuit tombée, nous sortons de la citadelle, quittons cet abri pour plonger dans l’obscurité des petites routes lorraines. Le vent devient moins froid mais ne perd rien de sa force, bien au contraire. Premier virage, tout le groupe prend à gauche, notre trace nous emmène à droite, nous quittons le peloton certains de notre bon choix. Première erreur. J’avais choisi de tracer une route plus longue mais plus sécurisante empruntant seulement des petites routes de campagne, quand le reste du groupe roulait en peloton, se protégeant du vent mutuellement, j’avais décidé de la jouer solo, grossière erreur.

Ma deuxième erreur était d’être arrivé à Montmédy avec un gros manque de sommeil, au bout de 4h30 de roulage, nous n’avons roulé que 100 km et mes yeux se ferment doucement. Nous décidons de faire une pause de 3 h, protégés du vent, sous une rampe de skate. Le réveil est mis à 7h mais les premiers sont déjà loin, presque arrivés à Besançon et nous trainerons à la boulangerie du coin, beaucoup trop longtemps. Avec Ronan nous avions pris la décision de faire la BTR «à la cool», prendre le temps de profiter, nous n’avons peut-être pas assez pris l’épreuve au sérieux et elle s’est bien moquée de nous au final.

Le reste de la journée sera monotone, dans les plaines lorraines, ballotés par les rafales de vent, scotchés au bitume à une moyenne qui peine à dépasser 20 km/h. Je suis trop chargé pour rouler vent de face toute la journée et le compteur kilométrique défile aussi lentement que les nuages gris au-dessus de nous. Nous sortons enfin de la Meuse pour arriver dans les Vosges et voir enfin un peu de soleil nous réchauffer. Il nous invite à une petite sieste au milieu d’un pré, grignotés par les fourmis et bercés par le vent, toujours lui. Les kilomètres se succèdent et nous n’avons croisé que 2 participants, dont Alexis Amet qui a souffert du vent et des côtes. Nous sommes à 30 km de Besançon, où nous attend un vrai lit, au chaud, chez le père d’un ami.

Nous passons rapidement au CP, où nous croisons 2 participantes dont Kristine. Un énorme plat de pâtes, une douche et quelque bavardage plus tard et nous sommes au lit avec un réveil prévu à 6 h. C’est là que l’on voit que la motivation n’y est pas vraiment. Le réveil sonne, on se regarde avec Ronan « allez, on se rajoute une demi-heure . » Deux heures plus tard, nous émergeons enfin et filons sur la pointe des pieds un peu honteux de cette panne de réveil.À 8h30, nous quittons Besançon en sachant que le cutoff de Gruyères n’est pas une affaire gagnée. Il ne faudra pas faire les touristes comme la veille. La sortie de la ville nous fait un réveil musculaire en mode hussard, avec une bosse à 12% par endroits. Petit déj à Ornans et la route file, les paysages sont de plus en plus agréables, le vent baisse.

12h la pluie débute son long travail de sape qui va durer toute la journée. La brume tombe et le seul paysage que je verrais, sera ma roue avant. On recroisera Kristine vue la veille, une petite éclaircie dans cette grisaille. Son sourire et son enthousiasme me redonne l’envie de rouler pour peut-être croiser d’autres participants. Mais personne… Ils sont tous loin devant, déjà au coeur de la tempête.

L’arrivée à Gruyères est magnifique, le soleil nous permet de voir les montagnes autour et un arc-en-ciel nous accueille. Malgré la fatigue et les vêtements mouillés, nous sommes encore debout et prêts à avancer, jusqu’à ce que l’on découvre les prévisions météo et que tous les cols que nous devons emprunter, sont fermés à la circulation. Une fois un plat de pâte et de fromage englouti, nous suivons les conseils de Luc et nous partons direction Montreux, St-Gingolph, Évian, Annecy, Albertville, Saint-Jean-de-Maurienne et le Col du mont-Cenis pour rejoindre le CP3 sacra di San-Michele. Je rentre Montreux dans le Wahoo qui nous fait un tracé qui a l’air plutôt bien au premier abord.

Quand nous sortons du restaurant le paysage à disparu dans la brume, il fait bien sûr nuit mais surtout très froid. Les petites routes suisses sont très roulantes, le bitume à l’air d’avoir été posé hier, aucune voiture, un pur plaisir. La trace nous fait prendre un petit chemin en terre de 20 mètres mai rien de grave. Jusqu’ici tout va bien. Mais 15 kilomètres plus loin nous devons emprunter un autre chemin qui serait parfait, s’il n’était fait pour des vtt… La route monte de plus en plus, le pourcentage nous oblige à nous mettre en danseuse, le souffle court. Je regarde une carte pour voir ce qui nous attend plus loin et c’est par une piste boueuse que le Wahoo a décidé de nous faire passer le col de Jaman. Nous mettrons plus de 4 heures pour atteindre Montreux et faire 40 km. Et je ne vous parle pas de la pluie qui a décidé de venir nous accompagner sur le col et dans la descente brumeuse, cette pluie qui devient le running-gag de la journée. 

Mon moral est descendu aussi surement que la route vers Montreux, je grelotte à en faire trembler mon cintre, j’évite les branches tombées et des animaux qui ressemblent à des chats, mais promis, ça n’en était ! Nous sommes enfin au bord du lac, le moral dans les chaussettes ainsi qu’un bon litre d’eau. Quand je pense aux 3 prochains jours sous cette pluie en direction d’un Sud qui est lui aussi pris dans la dépression, aux 100 km de plus pour rejoindre le CP 3, ma motivation part beaucoup plus vite que les kilomètres défilent. Arrivés à Évian-les-Bains, nous nous accordons rapidement pour un retour plus tôt que prévu en direction de Paris.

Évidemment je pourrais me trouver un tas d’excuse mais l’unique était le manque de niaque face aux éléments météo. Pas envie de me faire tremper deux ou trois jours de plus à l’allure où l’on roulait et pas assez « faim » pour croquer dans cette belle épreuve qu’est la BTR. Evidement il y a des regrets quand je vois les sourires fatigués des courageux, enfin arrivés sur la plage de Ramatuelle, envieux de tous ces souvenirs qu’ils ont engrangés et des amitiés qui se sont forgées. La prochaine fois je reviendrai plus humble et plus fort dans ma tête et les jambes suivront.

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