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En bon chemin

Quand j’ai eu 14 ans et mon premier vtt, je me préparais toute la semaine à partir à la découverte de la forêt de Fontainebleau, avec mon Scott en acier, sa sacoche de cadre triangulaire et une carte IGN aux 25 millièmes. J’avais cette petite excitation, l’impression de partir à l’aventure, d’aller sur des chemins inexplorés, sans GPS, ni téléphone portable, j’étais en fait loin de l’aventure mais ça en avait le gout. Dans un voyage, un de mes moments préféré, c’est la partie abstraite, la préparation, le choix des objets qui vont m’accompagner et ne choisir que l’utile, garder l’agréable à la maison. L’étape d’après, est de partir de nuit, quand tout le monde dort encore ou que d’autres sortent de soirée, je les ai croisés samedi à 6h dans Paris, les filles en talons hauts, les garçons pissant sur les murs. Je me précipite hors de la ville et de l’obscurité, par une piste cyclable le long de la Seine. J’avais envie de rejoindre Clermont-Ferrand en utilisant le maximum des chemins, pistes, et pourquoi Clermont ? Juste parce que je ne connais pas cette région, que les trains sont vélo-friendly et peu chers. J’ai évidemment regardé les prévisions météo la veille, mais ce ne sont que des prévisions et est-ce que l’on peut toujours prévoir la course des nuages et leurs envies de me tremper ? Et ce jour-là, il avait envie d’en faire comme bon il leur semble, le vent s’en est mêlé, la température est descendue à 0°, et la pluie gelée se moque de moi sur mon vélo au milieu des champs.


KM 55, premier café à Saint-Fargeau-Ponthierry, qui réchauffe superficiellement mais réconforter et ravive mon envie d’avancer. Les chemins se rétrécissent et ma joie grandie, je croise un feu de bois au bord d’un chemin, je stoppe juste le temps de me réchauffer les doigts et de regretter mes gants longs restés à la maison..

Je traverse la forêt de Fontainebleau vidée de ces randonneurs, elle me protège du vent et de la pluie qui forcissent. Des petits passages tordus et des grandes lignes droites sablonneuses, le temps passe vite, les kilomètres aussi. En sortant de la forêt, après Larchant, une fois au milieu des champs, dans des chemins bien collants, je prends le vent comme une série de gifles., les éléments sont en colére et je me fais rosser. Arrivé à Château-Landon, mes doigts et mes pieds sont gelés et trempés, je cherche un lieu où me réfugier et boire quelque chose de chaud, toutes les boutiques sont fermées définitivement, comme dans la plupart des villages, les commerces sont abandonnés et leurs habitants laissés pour compte. En tournant un peu, les deux seuls commerces ouverts clignotent et m’invitent à rentrer : la pharmacie ou le café. Je choisirai le troquet et son ambiance conviviale. Je me cale entre Raymonde qui fait son turf en discutant à 90 décibels avec sa copine et un couple qui règle ses comptes, une vraie ambiance. En sortant je me rends compte que mes freins ne fonctionnent plus du tout, je descends du village en freinant avec mes pieds, j’essaye de retendre les câbles mais pas d’effet… Heureusement la piste cyclable qui longe le canal maintenant est totalement plate et m’emmène à Montargis où je rejoins un magasin Décathlon. Je suis chaleureusement accueilli par le responsable, qui me prête une polaire car je grelotte un peu et règle le problème rapidement, en pompant un peu sur le frein, apparemment c’était juste une histoire d’hydraulique. La mécanique à des mystères que je ne sais pas toujours résoudre. Je continue en sachant que je n’aurais pas le temps de d’atteindre Nevers ce soir comme prévu, il me reste 50 km pour y arriver mais il est déjà tard, je suis encore un peu trempé, je pose mes affaires à Gien pour la nuit. En cette fin de journée, le soleil fait le malin et me nargue quand je passe le pont au-dessus de la Loire. 210 km et 3 pizzas plus tard, je m’écroule. Cut.


T’as voulu voir Clermont ?…
J’entends pas le réveil à 5h30 et pars tranquillement vers Briare le long de la Loire vers 7h. Je dois choisir entre la route qui m’y emmène directement ou un chemin à travers les hautes herbes perlées par la rosée. Sans hésitation, je file dans les champs, peu m’importe le nombre de kilomètres, peu importe la quantité, je préfère la qualité des moments. J’ai envie de profiter des moments et de me laisser porter par ce soleil, qui enfin, me réchauffe le dos. Je découvre un pont-canal, un édifice qui a l’audacieux rôle de faire couler un canal au-dessus de la Loire. La construction crée un miroir qui reflète le ciel bleu de ce matin. Je prends le temps de faire une pause au café de Briare, où tout le monde est affairé à cocher une grille de Loto ou de Turf. Je continue le long du fleuve, tantôt rive gauche, tantôt rive droite, accompagné d’oiseaux aux cris exotiques et aux envolés flamboyantes. Après le pont-canal, c’est un autre construction de l’homme que je croise, tout aussi monumentale mais plus effrayante que surprenante ; une centrale nucléaire. Cette espèce de tube de béton me fait penser aux oeuvres d’Anish Kapoor ou de Richard Serra mais le danger en plus. Je suis intimidé, au pied de cette accumulation de béton, par l’ombre géante qu’elle projette. Je flâne plus que je roule, je deviens un cyclo-touriste et toutes les excuses sont bonnes pour s’arrêter. Cette balade me donne déjà des idées de voyages plus lents, dans des régions que je n’ai pas encore pu découvrir ou que j’ai traversé trop vite. J’abandonne la Loire à La Charité-sur-Loire, pour prendre des chemins plus sauvages et glissants. Clouée sur un arbre, je vois une coquille Saint-Jacques, symbole du chemin de Compostelle, que j’emprunterai jusqu’à Nevers. Non je ne verrai pas Clermont-Ferrand cette fois-ci mais parfois le voyage et plus intéressant que la destination.

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