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TITAN DESERT

Un vent de face, autour de 40km/heure, celui qui tire les traits du visage, qui fait grimacer, qui pique les yeux et les cuisses. J’ai beau m’aplatir sur le vélo pour passer inaperçu, me faufiler entre les mailles du filet, je me prends des coups de butoirs, comme refoulé par les vagues de vent, l’écume à la bouche et le mord aux dents, comme on dit, j’avance avec Ronan vers la ligne d’arrivée, la dernière de la semaine.

600 km en 6 jours, une façon comme une autre de découvrir le Maroc et plus particulièrement son désert, c’est une recette qui réunit environ 600 personnes depuis 13 ans. Créé par un ancien coureur auto du Paris-Dakar, la TITAN DESERT à été pensée comme sa grande soeur mais les moteurs en moins : de l’orientation, de la montagne, du désert et beaucoup de poussière. Incontournable en Espagne, connues de tous les vététistes, cette course par étape est considérée comme l’une des plus difficiles au monde, car au-delà des températures élevées, il faut supporter les chemins en forme de tôle ondulées, les descentes de plusieurs kilomètres et les montées qui vont avec. Rien d’insurmontable mais l’endurance est la meilleure des qualités pour pouvoir se remettre en selle chaque matin.

Il est 8h à Boulmane Dades et je m’apprête à prendre le départ de la première étape qui est aussi la plus difficile sur le papier, avec ses 115 km et 2600 mètres de dénivelé positif. Certains se préparent depuis un an ou deux pour prendre le départ et ils ne seront pas déçus, ça sera une bonne mise en bouche. Au bout de quelques kilomètres, j’ai déjà le goût de la poussière, il ne me quittera pas pendant la semaine. Le peloton s’étire petit à petit, et chacuns prends ses marques : penser à boire régulièrement, se nourrir et surtout, bien ouvrir les yeux car à chaque virage un nouveau paysage s’offre à nous, un village sort d’un repli de la montagne, la couleur des maisons se confond avec celle de la terre. La chaleur monte et le chemin aussi. La voici, la fameuse montée que l’on observe tous sur le road-book depuis des semaines, elle est fidèle à ce que j’avais en tête, la vue en plus. Au bout de la piste en lacets, le Tizi n’Fougani nous offre un panorama sur le Haut Atlas et c’est la meilleure des récompenses après 12 km de montée. Ma bouche est en carton, l’air sec et chaud, j’ai beau boire l’eau fraîche proposé au ravitaillement, je suis une éponge desséchée. Une fois les 3 litres d’eau obligatoires sur le dos, nous repartons et c’est une descente qui nous amène vers des villages, comme des îlots de verdure dans cette immensité de sable et de pierre. La vie découle de l’eau et chaque point d’eau, de rivière est un point vert sur notre parcours. D’un seul coup, la végétation devient foisonnante autour des maisons, des champs apparaissent entre les arbres. Et puis on repart vers d’autres pistes, et le verdoyant laisse place au minéral, au rocailleu.

Les kilomètres s’enchainent et les jours aussi,
les paysages défilent comme dans un train, mais là, c’est nous la locomotive. Pas le droit de faire la grève, quand les jambes se font plus dures, c’est la tête qui prend le relais. On s’encourage entre nous, parfois juste un petit signe de tête qui veut en dire long. On est 600 a être dans le même état mais au final, nous sommes tous seuls face à la fatigue et au désert. Quand on a l’impression que la monotonie pointe son nez, une dune apparaît et c’est une nouvelle façon de jouer, d’appréhender la piste, il faut apprendre à lire le terrain et choisir sa voie. On fonce ou ça s’enfonce. Arrivé en haut de la dune, le paysage est irréel, un océan de sable devant nous, des flots immobiles, des montagnes instables, pas de chemins tracé, on sent que rien n’est définitif, tout est mouvant. Certains prennent le parti de retirer les chaussures et de marcher pied nu car le sable s’infiltre partout, de toutes les manières, autant en faire un allié. Et puis au bout de quelques kilomètres, un chemin sort du sable et nous donne droit de remonter sur les vélos.

Si on supporte aussi bien le désert c’est aussi parce que, tous les soirs, une fois la ligne d’arrivée passée, un oasis nous accueille. De l’ombre, de l’eau et à manger pour nous préparer à l’étape du lendemain. Chacun partage sa journée, ses doutes et ses anecdotes.
A peine le temps de voir le soleil se coucher sur ce village de tente traditionnelles, que je tombe de sommeil. Malheureusement, demain sera déjà la dernière étape, et si on continuait après la ligne d’arrivée, comme Moitessier, pour faire une “longue route”, un autre traversée du désert.

Merci à WIDER magazine qui nous a envoyé faire ce reportage, Ronan Merot pour les photos et les conneries (ou l’inverse), Julien Verlay pour sa bonne humeur et sa patience, Thibaut, Aude, Greg et bien sûr Théo qui nous a acceuillit comme des rois.

Article publié dans WIDER magazine n°39

One comment

  1. Great footage on this video. Did you take all the footage and do the editing? It’s a great piece!

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