Le point de départ.
Que ce soit celui d’un voyage, d’une histoire, d’un film, c’est la seule chose de sûre, de concret. On sait comment ça commence, pas toujours où et quand ça fini, le point de chute, le point de fuite. Et c’est ça qui me fait aimer le voyage, cette incertitude, ce flottement qui peut tomber à tout moment et nous faire changer de chemin, bifurquer l’histoire.
San-Francisco comme point de départ, nous visitons la ville pour nous débarquons tous les 4 dans cette énorme ville avec l’envie de découvrir les grands paysages américains mais aussi de rencontrer l’autre amérique, celle au bout de la highway. Chinatown, Haight-Ashbury, le financial district au lever du jour, les lion de mer, les goélands nous indique une direction. On s’échappe rapidement vers le nord pour longer la côte pacifique en traversant le Golden Gate et plonger directement dans le petit port de pêche de Bolinas.
La moitié du village est en train de surfer, l’autre est dans le bar du village, où je ne serai pas surpris de croiser Hemingway. On file vers le campground de Steep Ravine qui surplombent l’océan au dessus des falaises. L’endroit est magnifique, tellement qu’il n’est pas possible de camper ici ce soir, tous les emplacements sont réservé de longues dates, certaines des petites cabanes le sont même depuis plusieurs mois d’après les occupants. Changement de plan, la petite famille file direction le Séquoia Park.
Séquoia Park, au pied des géants.
Premiers arrivés premiers servis, c’est la loi des camping américains si on a pas réservé plusieurs semaines à l’avance. Quand on est pas prévoyant, faut savoir se lever tôt. Départ 4h30, arrivée 8h30 et on sera les premiers, promis juré craché ! Et on a le seul emplacement qui se libère ce jour là. Tout au bout du parc, au fond de vallée, à 1 heure de route de l’entrée, nous nous installons pour 4 jours et il faut au moins ça pour découvrir cet immense parc qui s’étend sur 1 635 km². Après un passage obligatoire au pied des ces géants de plus de 80 mètres de haut et qui nous toisent de leur 2200 ans pour les plus vieux, nous partons grimper pour contempler la vallée d’en haut. Malgré la chaleur qui atteint les 30 degrés, mes filles de 15 et 11 ans sont les premières sur ce chemin qui traverse une forêt brûlées depuis plusieurs années. La végétation a repoussée, elle lutte pour gagner du terrain, certains arbres ont survécu mais le décor n’est pas ordinaire. Une fois arrivés en haut d’une corniche, nous ne voyons aucune trace de l’homme, juste un maigre filet au fond de la vallée, l’unique route qui dessert cette partie du parc.
Pour continuer mon entrainement et pour découvrir le parc à ma façon, en courant, je pars le matin tôt, seul, sur des chemins que je découvre sur les cartes. Pas beaucoup de choix, ici la randonnée n’est pas un loisir de masse. Je ne croise jamais personne, les vacanciers, en majorité des américains, restent au campground, ou vont vers les lacs et les rivières pour se rafraîchir car le soleil tape fort. En courant à travers le parc, je prends conscience du côté sauvage de la montagne américaine, on est chez les animaux et pas le contraire. Au campground, on avons été informé sur les bonnes attitudes à avoir pour ne pas attirer les ours et en courant j’ai pu croiser des cerfs, des biches, des dizaines d’écureuil et des crottes d’ours à 200 mètres du camp. Ce jour là en courant sur ce sentier, je me sentais vraiment seul au monde, jusqu’au moment où j’ai croisé 2 beaux serpents dressés, enroulés sur eux-mêmes en plein milieu du chemin. Autant vous dire que les kilomètres qui ont suivit, j’ai réduis la vitesse et scruté chaque métres.
Yosemite valley
Comme souvent au états-unis, nous avons été abordé par une famille américaine lors d’une balade au séquoia parc, pour savoir d’où nous venions, où nous allions, c’est jamais intrusif ni un interrogatoire. C’est toujours agréable de pouvoir échanger quelques mots et souvent des bons plans, ce jour là, le père de famille nous conseille vraiment de traverser le Yosemite parc, ce qui n’était pas au programme mais on se laisse convaincre et puis ça rallonge la route seulement de quelques heures. L’homme nous préviens qu’il est impossible de dormir dans la vallée si on a pas réservé, mais plusieurs campground sont possible en dehors de la vallée.
J’ai souvent été ému par des paysages, de montagnes notamment mais cette vallée m’a vraiment bouleversée. La grande face de El Capitan, l’immense chute d’eau haute de plus de 700 mètres ou le Half Dome, forment un décor exceptionnel que je connaissais seulement par les récits ou les films, le voir aujourd’hui me donne juste une envie : revenir !
Zion park
Dans le désert, à la sortie de Las Vegas, la température monte jusqu’à atteindre 40 degrés, l’horizon est de plus en plus grand, les nuages aussi, en fait tout nous parait immense. Le temps s’étire, les kilomètres s’égrènent, nous avançons vers Zion park et ses canyons colorés. On trouve le parfait spot pour camper, tout au fond de la vallée, dans un campground très simple avec un confort… comment dire ? Elémentaire. Toilettes sèches, pas d’eau courante, pas d’électricité, pas de wifi. Une vraie coupure. On visite le parc en randonnant sur les sentiers à flanc de canyon, on se rafraîchit sous les arbres ou dans la rivière qui le traverse. Le soir, nous rejoignons notre camp, à l’écart des touristes, pour dîner autour du barbecue, boire une bière presque fraîche et rester simplement sous les étoiles, profiter du silence.
Antelope canyon
Chaque étape construit la suivante, nous regardons la carte, on se concertent et la route traverse un parc, un désert ou Kanab, une ville construite par les Mormons, qui nous racontent leur histoire et leur quête. Encore quelques miles et nous atterrissons sur Mars, au bord du lac Powell. Il n’était pas prévu d’y rester mais l’endroit est extra-terrestre. Sophie adore, les filles sont heureuses de se baigner avec cette chaleur et moi je reste bouche bée devant ce paysage. C’est pas franchement hospitalier, la chaleur est sèche, le lac n’est pas vraiment à sa place car artificiel mais ce décor est étourdissant. Alors on reste 2 nuits en attendant de visiter le canyon sculpté par les eaux dans la roche; Antelope canyon. Sur un territoire Navajo, ce lieu touristique reste incontournable, alors on fait la queue et on en prend plein les yeux.
Grand Canyon
Immense, imposant, grandiose canyon. On traverse une forêt de petits arbres sur un sentier et PAN ! Nous sommes restés figé quelques secondes, je pense. Comme une montagne, mais à l’envers, un creux, une faille. 1400 mètres en dessous de nous, coule le Colorado et devant nous, 1,7 milliard d’années sont visiblent, couche par couche. Chaque strate a une couleur différente, une matière distincte. L’échelle de grandeur est difficile à intégrer, c’est en voyant des rafting, tout en bas sur le fleuve que l’on s’en aperçoit plus facilement. Les oiseaux ici sont des condors de Californie, des cerfs et biches se baladent au milieu du parc. Normal…
Leadville
Tout ce voyage a un point de départ, la course de Leadville. Un 100 miles auquel je me suis inscrit sans trop y croire, car il y a peu de places chaque année et c’est un tirage au sort. Ici pas besoin de points, de certificats médical, pas de matériel obligatoire. Juste une barrière horaire qui veut tout dire : 30h pour courir les 100 miles (168 km). 6000 mètres de dénivelé, rien de infaisable mais l’inconnu pour moi, c’est la réaction de mon organisme à l’altitude car la course se déroule entre 3000 et 4000 mètres et c’est compliqué de s’y habituer quand on habite à Paris… Pour la première fois j’ai suivis un plan d’entraînement taillé sur mesure par un coach pro, pendant 4 mois j’ai progressivement augmenté le nombre d’heure et de kilomètres sans me blesser. En arrivant dans cette petite ville, l’émotion est forte, je réalise que je vais concrétiser un de mes rêves, participer à cette course mythique, courir dans les Rockies.
On se pose dans un campground au bord du lac Turquoise pour quelques jours, en attendant la course, à quelques minutes du centre ville. On prends le temps de découvrir la ville et son histoire, et comme souvent au US, de discuter avec les gens. On se promenant dans la montagne alentour, on croise un retraité qui court les bois accompagné de son chien, son couteau et son Colt. Quand il ne se balade pas dans la montagne à la recherche des anciennes mines, il cherche de l’or pour le plaisir.
C’est une des rencontres que l’on oubliera pas, parmi d’autres. Et c’est que je retiendrai de ce voyage, les personnages qui font le paysage de ce pays.