Ceci n’est pas une course.
Ce n’est pas une rando, ce n’est pas un cyclo-sportive non plus. La Born To Ride (BTR) vous laisse le choix, Il y a une ligne de départ et une ligne d’arrivée, 4 checkpoint entre les deux, mais cet espace-temps nous appartient, libre à nous de dériver, de discuter au comptoirs ou bien de filer, prendre la tangente, le chemin le plus court, pour au contraire rester seul et rouler vite. J’ai pas réussi à choisir. De Paimpol, en Bretagne à San Sebastian, en Espagne. 1130 kilomètres en 78 heures.
Mon premier sentiment de liberté, je l’ai eu à vélo, à l’âge 13 ans, sur les chemins et les routes de la forêt de fontainebleau. Je partais avec une carte IGN et trois barres de céréales, pour découvrir cet espace pendant quelques heures. Il y avait évidemment toujours le moment où je me perdais, un peu, juste ce qu’il faut pour avoir ce frisson de l’inconnu, de l’aventure, de doute. Je retrouvais mon chemin, et rentrais avec quelque chose à raconter, avec le sentiment d’avoir vécu quelque chose. Sur la BTR, j’ai pu retrouver ces sentiments, sur les routes de bretagne, de vendée ou des landes.
A l’heure où les gens veulent vivre des “épreuves” au sens littéral, viennent pour “se faire mal” sur des courses, avec des barrières horaires strictes, de plus en plus de kilomètres et de dénivelé, la BTR donne au contraire le champs libre. Libre à chacun de dormir 1 heure sur un banc d’un abribus ou de faire des nuits de 8 heures dans un hotel. Libre de prendre des petites routes, des chemins de traverse ou des grandes départementales. Il y a autant de façon de voyager à vélo que de cyclistes, et Luc Royer l’a bien compris. Il y a donc plusieurs manière de faire la BTR et pour ma part j’avais coché l’option “on verra bien, j’arrive quand j’arrive”. J’avais envie de trouver mon rythme, de profiter de cette liberté et pourquoi pas de me laisser griser par la vitesse.
Se laisser surprendre.
Voyager sur des longues distances comprends toujours des surprises et c’est une des choses que l’on vient chercher tous ici. Se faire surprendre, ne pas pouvoir tout controler, se laisser aller par les evenements et s’adapter. La bonne surprise de partir avec Corentin, le frère d’un ami, rencontré pour la première fois 2 heures avant le départ et aussi novice que moi sur ce genre de voyage. On se pose des questions, on retire des objets inutiles des sacoches, on se pose des questions “est-ce que j’aurai dû changer ma chaine ?” La réponse on l’a eu 30 kilomètres après le départ, la chaîne de Corentin casse. Une première fois. 4 maillons en moins et quelques kilomètres plus tard, on doit se séparer, lui pour réparer et moi pour avancer. La bonne surprise de me réveiller sur la banquette d’une boulangerie/salon de thé quand l’averse est finie. Il reste juste l’odeur du pétrichor et une humidité rafraichissante. Je me suis laisser aussi surprendre par les routes bretonnes, leurs raidillons, celles qui se transforment en chemins, qui se métamorphosent en mare de boue, qui se mue en cul de sac. Ok je me suis un peu laisser surprendre par mon tracé gps, j’ai pas voulu prendre au plus court, je me suis retrouvé à faire quelques kilomètres en plus. Et puis la bonne surprise d’entendre la voix de Juan, au détour d’un virage et de rouler ensemble jusqu’au prochain phare. Celui de Port-Navalo, à Arzon, de l’autre côté du golf du Morbihan, que l’on a décidé de contourner plutôt que de le traverser en bac.
Prendre le temps d’aller vite
Comme souvent les bonnes surprises viennent des personnes que l’on rencontres, comme André et sa femme qui nous questionne sur notre façon de voyager et qui nous demande où allons-nous dormir. “Dans votre garage si vous en avez un !” lance Juan et on se retrouve avec Lucie et Juan, accueillis, maternés et réveillés avec l’odeur d’un café et d’une confiture maison. On pourrait discuter des heures avec nos bienfaiteurs mais l’heure tourne, il faut avancer, on a des fourmis dans les jambes. Les lignes droites Vendéennes nous font avancer rapidement, on croise et décroise d’autres cyclistes, et parfois le besoin de sommeil ou le mal de dos m’oblige à m’allonger, faire une petite sieste de 15 minutes qui se transforme en 30.
Quelle bonne surprise de retrouver Romain, que je pensais loin devant et de traverser les Landes ensemble. La simplicité du paysage pourrait être monotone mais nous glanons des camarades de la BTR toute l’après midi, les kilomètres passent vite, l’idée de voir San sébastian avant le petit matin me motive. Le petit groupe se sépare au début de la nuit, chacun est libre de finir le voyage à sa façon, rien ne presse, je nous soupçonne de profiter au maximum de cet espace de liberté.
L’invitée surprise de cette fin de voyage sera cette tempête qui vient de l’océan, la dernière montée et je me laisse couler jusqu’au dernier phare où nous attends Luc. Pas de maillot finisher ni de médailles qui trainent dans un tiroir, ici on repart avec un écusson à coudre sur notre jersey ou nos sacoches.
Aussi surprenant que ça en à l’air, nous avons réussi à traverser une bonne partie de la France à la force de nos jambes et de notre tête, les plus belles choses arrivent souvent par surprise.