Un océan de sable
J’ai l’impression d’être un jouet au milieu du bac à sable, un figurant dans un décor de cinéma, une fourmi sur la plage. Au milieu de ces vagues de sables où l’écume devient poussière, je tente de tenir le cap, je reste concentré sur mon Azymuth, cherche un courant qui me ferait éviter une dune, une montée dans ce sable qui s’enfonce à chaque pas. J’ai l’impression de monter un escalier sans fin. À chaque pas, le sable brûlant s’infiltre dans mes chaussures, j’ai beau écoper, il inonde tout, rempli mes poches, mes oreilles, mon nez. Le vélo est de plus en plus lourd, ou c’est moi qui m’enfonce dans ce sable si fin qu’il paraît liquide, il me faut avancer pour pas me noyer. Une fois arrivé au sommet d’une de ces montagnes de sables, je ne peux que constater la distance qui me sépare de la piste, la vraie, bien tracée sur un sol concret et dur, qui ne fuit pas à chaque pas. Mais cette dune n’est qu’une flaque comparée à l’océan de sable qu’est le Sahara, une goutte d’eau dans cette mer qui couvre presque 8 millions de kilomètres carrés, du Mali à l’Égypte. Au bout de quelques kilomètres, je vois la trace qui apparaît à nouveau, comme sortie d’en dessous d’un tapis, elle vient d’en dessous de la dune et file droit devant. Cette série de dunes, est venue briser la monotonie de notre route, comme une récréation dans cette grande ligne droite, une série de virages avant de reprendre le cap, face à l’horizon. Lointain. D’ici, rien ne vient gêner la vue, j’ai l’impression de voir à des dizaines de kilomètres.
Ligne d’horizon
Pour quelqu’un qui vit en ville comme moi, voir l’horizon est un luxe, quelque chose de rare quand on est entouré par des bâtiments, la seule ouverture est le ciel. Ici, au milieu du désert Marocain, j’ai presque le vertige quand je regarde autour de moi, la peur du vide peut-être. L’horizon n’est qu’une ligne qui nous entoure depuis que nous sommes parti du campement, ce matin. Un périmètre qui s’étend au fur et à mesure que l’on avance. Rien devant, rien derrière, rien au-dessus. Pas de relief, pas de nuages. Je me cramponne au sol, mon seul point d’amarrage. Le temps d’une pause, je bois une eau devenue chaude. Une goutte tombe au sol et s’évapore quasiment instantanément, à moins qu’elle était absorbée par ce sol qui n’a pas vu de pluie depuis plusieurs années. Le vent sec et chaud sec immédiatement ma transpiration et laisse une pellicule de poussière sur ma peau, à la fin de la journée, la douche est un moment précieux et salvateur. J’ai l’impression d’être une plante au terreau asséché, ma peau réagit comme un buvard, j’absorbe le liquide et je sens ses bienfaits instantanément.
Aux portes du désert
Boumalne-Dadès, sera notre point de départ, et les contreforts du massif de l’Atlas, les portes vers le désert Marocain. Comme pour nous habituer petit à petit au vide du désert, les deux premiers jours, nous traversons une petite partie du haut Atlas. Nous apprivoisons le soleil qui a décidé d’être complaisant et je m’habitue progressivement à la chaleur sèche qui se dégage du sol même en fin de journée. Passé les premières heures de pistes, nous entrons dans les gorges du Dadès, une sorte de canyon par certains endroits, ou la fraîcheur a permis aux humains d’y créer des villages, nichés au cœur de la montagne. Les maisons faites de terre se confondent avec la roche alentour, comme pour ne pas attirer le soleil, elles jouent à cache avec lui. En passant dans les villages, des cours intérieures, des jardins ombragés sont autant petits refuges où les habitants se regroupent et se protègent du soleil qui peut faire monter la température au-dessus de 40 degrés.La piste s’élève progressivement, en même temps que la température, vers le point culminant de notre route, Tizi n’Fougani a près de 2400 mètres d’altitude. Sa piste régulière et large, me mène au sommet après 700 mètres de dénivelé et quelques litres d’eau. Le soleil à ce moment est au zénith et la chaleur combinée à l’altitude, m’assèche la gorge. J’ai le goût de la poussière dans la bouche mais aussi celui de la satisfaction d’être arrivé en haut.
Prendre de la hauteur
Comme à mon habitude, je me laisse aller à quelques minutes de contemplation, le paysage est grandiose, ces montagnes que j’avais observées sur mes cartes sont tout autour de moi maintenant. Goûter à l’ivresse de l’effort, avoir les muscles qui tirent mais se sentir vivant, c’est pour cela que j’aime toujours autant prendre de la hauteur.